La collection "Blaschka" de l'Aquarium de Liège
Les Blaschka : modeler les invertébrés pour les observer
La collection Blaschka de l’Aquarium de Liège fait partie des "Trésors de la Communauté française". Blaschka ? Mais qu’est-ce donc ? Qui dit Aquarium dit rapport avec le règne animal. En effet, les Blaschka, du nom des artisans-verriers qui les ont réalisés, sont en fait des modèles en verre soufflé et filé de spécimens invertébrés marins. Proches d’œuvres d’art, ils avaient d’abord un but didactique.
S’il n’est pas rare de rencontrer squelettes ou reconstitutions taxidermisées d’animaux dans des musées d’histoire naturelle, représenter des invertébrés pour les étudier et les analyser a posé des questions particulières et ce, dès le 19e siècle, lorsque l’intérêt pour les sciences naturelles s’est développé, entraînant l’essor de ces musées. Du matériel pédagogique était en outre nécessaire pour les universités, qui s’ouvraient alors à de nouvelles disciplines comme l’anatomie animale ou la zoologie. Il a d’abord fallu se contenter de dessins, de croquis et d’animaux conservés. Mais la conservation des dépouilles n’était pas satisfaisante, en particulier pour les invertébrés. La reconstitution taxidermisée n’est pas possible pour ces espèces et les corps mous ne pouvaient être conservés que sous fluide. Seulement, dans l’alcool ou le formol, les spécimens perdent rapidement leurs couleurs ou leur transparence et même leur volume.
C’est pourquoi, à la fin du 19e siècle, universités, muséums et aquariums se sont tournés vers Léopold et Rudolf Blaschka, père et fils, maîtres verriers allemands. S’étant d’abord distingués dans la création de modèles décoratifs, pour des aquariums artificiels par exemple, la précision, le respect de la réalité et la rigueur des Blaschka les a conduits à la production de modèles scientifiques. Ceux-ci sont conformes, réduits ou agrandis, en trois dimensions et réalisés sur base d’illustrations d’ouvrages spécialisés ou à partir de l’observation d’animaux vivants ou conservés. Ils iront même jusqu’à installer dans leur atelier des aquariums d’eau de mer dans lesquels ils installeront leurs modèles vivants.
Un savoir-faire unique
Les modèles en verre soufflé et filé de Léopold et Rudolf Blaschka sont réalisés individuellement à partir de tubes, de tiges et de plaques de verre travaillés et transformés grâce à la chaleur, c’est la technique du verre filé au chalumeau. Les différentes parties sont assemblées à chaud, par fusion ou à froid, par collage. Le verre employé est coloré dans la masse ou transparent. Dans ce dernier cas, les modèles sont décorés à la peinture.
En 1878, les Blaschka ont constitué un catalogue très complet qui comprend 630 modèles d’animaux. Leur talent est mondialement reconnu, si bien que l’Université d’Harvard fait appel à eux en 1886 pour produire des modèles, floraux cette fois, pour alimenter les collections de son musée botanique (collection des "Glass Flowers of Harvard").
A la mort de Léopold Blaschka, son fils Rudolf, seul dépositaire de leur savoir-faire, continuera à produire des modèles floraux pour Harvard, jusqu’à ses 82 ans. En 1939, Rudolf Blaschka décède, sans descendance et emportant le secret des Blaschka avec lui. Progressivement, dans les universités et les musées, les modèles de verre ont laissé la place à l’imagerie et à des objets didactiques dans d’autres matériaux.
La collection de l’Université de Liège
En 1886, Edouard Van Beneden, professeur de l’Université de Liège, a passé commande aux Blaschka, pour 77 modèles d’invertébrés marins de leur catalogue, afin d’enrichir les collections du muséum. Il en reste une cinquantaine de pièces, restaurées dans les années 2010. La collection Blaschka de l’Aquarium de Liège a été classée en juin 2017 comme Trésor de la Communauté française.
Pour en savoir plus
Source : WANSON Sonia, PIROTTE Isabelle, NINANE Jacques, "Blaschka, Maîtres et Modèles", Presses Universitaires de Liège, 2012 (disponible à la commande sur le site des Presses Universitaires de Liège)